jeudi 18 mars 2021

LE RENDEZ-VOUS
 
êtes-vous?
quand
êtes-vous?
et le petit déjeuner le repas du soir qui se ressemblent
il n'y a plus de matins
et vous prendre par l'épaule au sortir de la cuisine pour rejoindre la fête
et sur le canapé dire à l'oreille de gauche un mot sur la bouche de droite
collés par les rires
je suis raisonnable, je suis raisonnable
de quoi me plaindrais-je
je reçois des nouvelles et vous marchez dans mon cœur
vous riez dans mes yeux vous parlez dans le micro avec un
léger retard
je fais le ménage
je fais du grand ménage de la cave au garage
et vous êtes là, au bout des balais qui poussent et dans les grandes eaux des seaux qui nettoient
quand la poussière et le désordre de la longue année et de toutes les autres s'en vont, vous êtes là
propres et neufs alors habillés comme un dimanche
en blanc dans la lumière d'un printemps précoce, celui qui sent bon
je vous sais, partout, toujours
ce sourire impatient je le sais
je le sais encore et je sais que vous savez, vous aussi
je passe la porte de la maison avec vous
je suis étendue dans l'herbe du parc avec vous
je suis dans la nuit qui pleut avec vous
je suis sous le vent alerte orange avec vous
je suis avec vous dans la cuisine en soleil après la pluie
je sais où vous êtes
je sais quand vous êtes
nous ne sommes pas perdus
nous avons tressé des nœuds solides
et le dessin que font les cordes sous mes doigts je le connais par cœur
je le tiens dans ma poche et je l'éprouve dans la main tous les jours après avoir lu le journal
j'attends de nouvelles nouvelles
les temps changeront
et nous?
j'attends d'autres nouvelles du monde
où et quand, mes amis?
vous êtes partout
vous êtes toujours
nous nous tenons au même endroit, les mains de l'ami dans les mains de l'ami,
nous nous tenons dans la même pièce qui n'a pas de lieu
et nous restons debout tout le jour, toute la lune, tout l'automne et nous ne comptons pas
et quand un an passerait nous n'en serions pas moins debout
et quand un an passerait nous n'en serions pas moins ensemble
et même si les voix se taisaient
même s'il ne devait plus rien y avoir à raconter
je vous tiendrais au creux de ma main
dans ces lignes que vous y avez creusées
dans ces sillons où poussent tous les jours
les fleurs et les fruits de vos mots, de vos voix, de vos cris
les intervalles de vos silences
je sais où
je sais quand vous êtes
vous êtes toujours
vous êtes partout
et d'ici de mes paumes vivantes de vous je vous adresse un signe
je bouge doucement les doigts,
pariant main ouverte sur l'aube ;
je sais où je sais quand je vous donne rendez-vous
pour la voir se lever avec vous
 
Geneviève Genicot 18.3.2021 (inédit, tous droits réservés)